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Marie Gallimardet

Sa démarche

 

Le travail de Marie Gallimardet s’articule autour de la notion du double, en tant que décalage de la réalité. Pour cela, elle utilise notamment le médium vidéo dans lequel elle introduit de la fiction, sa fiction, dans une vérité, qui devient sa vérité. C’est ainsi qu’elle revisite des histoires tirées de la réalité, et les détourne, souvent avec une pointe d’humour. Aussi, ses travaux introduisent-ils une double lecture. Comme des copies, ce sont de faux semblants qui cachent une sorte de secret dont la clé est une histoire, une anecdote que l’artiste rejoue.

« Mon travail s’articule autour de la notion du double. La gémellité, la simultanéité ou encore la répétition de deux choses sont des sujets qui jalonnent mes recherches. J’utilise plusieurs médiums, notamment la vidéo grâce à laquelle je peux intégrer le dessin, la photographie ou encore la performance.

 

Mon principe de travail est toujours le même. J’introduis de la fiction, ma fiction, dans une vérité qui devient ma vérité. Je me réapproprie ce que je considère comme des scénarios inexploités, des histoires qui paraissent parfois impossibles. C’est pour cela que je les détourne pour en faire l’histoire qui correspond à mes attentes, remodelée à ma façon. Je vais vers des anecdotes qui me font rire ou sourire, l’humour est le déclencheur, le pas de côté que j’effectue par rapport aux faits. J’aime raconter, l’aspect oral d’une histoire est très important. Plus une anecdote est racontée, plus elle est déformée et donc de plus en plus riche. L’appropriation me permet d’effectuer un décalage de la réalité, une autre interprétation.

 

Ce principe de travail devient une sorte de jeu de piste : je suis des indices, des détails qui me conduisent à d’autres. Je fonctionne par sauts successifs, un travail menant à un autre.

 

Le double me permet de donner à voir une chose qui semble plausible en utilisant des images existantes mais qui ne révèlent pas toute la vérité. Je m’abstiens de tout dévoiler sans jamais inclure un quelconque mensonge. Je me sers des rouages du cinéma ou de la télévision afin de reformuler une histoire en la reconstruisant à partir de détails mais sans pour autant la démystifier. Le double rend une chose plus complexe, elle lui rajoute une couche supplémentaire.

 

Pour moi, le double est déjà un décalage de la réalité, c’est pour cela qu’il m’intéresse.

 

Nous sommes tous étonnés à la vue de jumeaux, le déjà-vu est un sentiment anormal, se retrouver face à quelqu’un qui nous ressemble nous met mal à l’aise.

Dans mes travaux j’essaie d’inclure une double lecture. Comme des copies, ce sont des faux-semblants, ils cachent une sorte de secret dont la clé est une histoire, une anecdote que je rejoue » (Marie Gallimardet, décembre 2012).

 

Sa résidence à Louviers 

 

Derrière une certaine timidité, Marie Gallimardet a su créer la rencontre et s’intégrer auprès de divers services de la Ville. Elle a ainsi déposé ses valises dans un atelier du Musée mais ses recherches l’ont vite invitée à pousser les portes des archives de Louviers. Elle a également fait des essais de projections qu’elle a ensuite filmées, dans les caves du Moulin. Avec une certaine dérision, et sous un regard souvent acéré, Marie Gallimardet donne naissance durant cette résidence à une fiction sur la ville de Louviers qui n’est pas sans rappeler parfois l’univers absurde décrit par Boris Vian dans certains ouvrages. Son film nous invite à une double lecture : une fiction dans laquelle la vie est délocalisée sous terre suite à une inondation, sans toutefois perturber ni même questionner une certaine administration, incapable de réagir face à cette situation créant inévitablement de l’absurde. En parallèle, c’est un questionnement bien plus universel que propose Marie, invitant à réfléchir notre avenir que celui-ci soit lié à l’eau, ressource fondamentale de la vie, ou bien au modernisme à tout va.

 

« En attendant que la fin se décide...

 

Avant même le début de ma résidence, j'avais décidé que mon projet à Louviers consisterait en la réalisation d'un court-métrage en lien avec la ville. Louviers étant une ville entourée d'eau, c'est donc logiquement que j'ai choisi pour thème, les inondations. Après quelques recherches aux archives de la ville, recherches que je poursuis toujours d'ailleurs, et en me nourrissant des petites histoires entendues ici et là, j'ai débuté mon court-métrage qui s'intitule « Tous à l'égout ! ».

 

Le titre faisant directement référence au film « Para Chute » que j'ai réalisé durant ma dernière année d'étude à l'École des Beaux-Arts du Havre et qui a servi de base à mon diplôme. Dans ce court-métrage de 16 minutes, je relatais l'histoire du voleur Albert Spaggiari, célèbre cambrioleur de la Société Générale de Nice en 1976. L'issue de l'histoire mettait en avant les points communs entre l'affaire Spaggiari et un polar écrit par Robert Pollock en 1972 auquel j'ai emprunté le titre, « Tous à l'égout ! ».

 

J'ai utilisé, pour ce second court-métrage, la même technique de montage, le collage vidéo, qui consiste à utiliser des images vidéos empruntées sur le net et de réorganiser ces images et ces sons afin d'obtenir une nouvelle histoire (l'exemple le plus connu de cette technique étant le Zapping de Canal+). C'est un détournement d'images que j'effectue, ce qui crée alors un décalage qui peut mener à l'humour. La plupart des images que j'utilise sont issues des archives en ligne de l'INA et elles s'étendent sur une période d'une quarantaine d'années, entre les années 1950 et les années 1990. On peut donc voir se succéder des images en noir et blanc et des images en couleur.

 

Le film est une fiction complète, que j'ai construite à l'aide de mes recherches, de mes lectures et des anecdotes entendues à Louviers. Le scénario, nourri de science-fiction, est le suivant : « Louviers est sous les eaux, des eaux permanentes, la décrue est impossible. Par un miracle de l'urbanisme, les sous-sols de la ville sont épargnés, la vie est donc descendue d'un niveau. On assiste alors à une nouvelle organisation d'une ville, d'une vie, c'est l'heure des grands changements dans une cité perpétuellement plongée dans l'obscurité et l'humidité. Malgré ce bouleversement, un élément va rester inchangé, la Compagnie Générale des Eaux. L'administration, enfermée dans ses codes de fonctionnement, va continuer ses travaux habituels en fournissant encore du travail à ses secrétaires, géomètres, hydrologues (-graphes) en occultant complètement l'absurdité de leurs recherches et de leur situation. » Le film est divisé en trois mouvements entre lesquels figurent des passages avec une voix-off qui font office de respirations.

 

Mon idée de base était de créer un dédoublement de la ville, un reflet humide. C'est une sorte de monde à l'envers que j'essaie de montrer en déplaçant la vie sous nos pieds. Au-delà d'un simple dédoublement de la ville, c'est le dédoublement de ma résidence que je réalise également.

 

L'eau et le service public sont les deux notions qui jalonnent le film et qui se retrouvent dans mon quotidien : l'eau étant le thème conseillé pour intégrer la résidence dans le festival Normandie Impressionniste, j'en ai fait le thème du court-métrage, quant au service public il est lié à l'existence de la résidence qui dépend de la mairie. J'ai été confrontée dès mon arrivée à un fonctionnement que je connaissais peu et dont je n'avais jamais éprouvé les méandres : protocole, différents services avec différentes fonctions, etc. Une organisation, certes nécessaire, mais difficilement assimilable parfois. J'ai décidé de placer l'action du film dans les années 60-70 car elle nous offre des joies technologiques comme la machine à écrire ou la broyeuse à papier. C'est une période que j'utilise beaucoup dans mon travail car elle est oscille entre le modernisme et le maintien de certaines traditions largement dépassées aujourd'hui et donc faciles à détourner.

 

La conclusion du court-métrage n'est pas encore arrêtée mais ça ne peut pas toujours finir bien. L'enfermement, l'humidité et l'obscurité ne réussissent pas à tout le monde.

Encore deux mois de travail... » (Marie Gallimardet, Mai 2013).

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